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Mariage d'Emile Duclaux

  • Né à Aurillac le 25 juin 1840, Émile Duclaux est le fils d’un huissier de la ville. Jeune homme brillant, il est admis à l’École normale supérieure en 1859 ; il y fait sa scolarité jusqu’en 1862. Il enseigne la chimie à la faculté des sciences de Clermont-Ferrand à partir de 1867. Il était resté lié à l’un de ses professeurs, Charles Briot (1817-1882), dont l’une des filles avait épousé un condisciple de Duclaux, Éleuthère Mascart. Mais Briot avait une autre fille, « Mademoiselle Mathilde », dont Duclaux demande la main à son « cher maître » le 16 mai 1873.Professeur d’université et collaborateur du grand Louis Pasteur, Émile Duclaux a alors 33 ans. Il trouve ici un ton candide et charmant qui fait de cette lettre en gants beurre frais un chef-d’œuvre de délicatesse. Donnant du « Monsieur et cher maître » à son professeur, Duclaux commence par une phrase d’anthologie : 
  • « La démarche que je tente en ce moment n’est pas de celles que l’on fait d’ordinaire soi-même, mais il me semble inutile de mettre un indifférent dans la confidence d’un secret qui m’est si cher et si doux, et je viens moi-même vous prier de vouloir bien m’accorder la main de Mademoiselle Mathilde. »

Le reste de la lettre est à l’avenant : malgré le « culte » qu’il a depuis longtemps pour Mathilde, il redoute sa répugnance à quitter Paris. « Je me suis donc trouvé, à la suite d’un faux raisonnement, si vous le voulez, mais avec la conviction intime et profonde que je faisais bien, dans cette singulière situation, de ne pas demander la main de Mademoiselle Mathilde parce que je l’aimais trop, et qu’elle pouvait être plus heureuse sans moi que je ne pouvais l’être sans elle. » Le mariage se fait sans aucune difficulté ; un premier bébé, Pierre, naît en 1876. Par la suite, Duclaux appelle sa belle-mère « chère maman de mes amours », et son beau-père, « cher grand-père ».

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En 1880, sa chère Mathilde meurt à la naissance de leur troisième enfant. Émile Duclaux succède à Pasteur à la tête de l’institut Pasteur en 1895 ; dans le combat dreyfusard, il adopte une position à la fois ferme sur le fond et posée dans la forme. Il se remarie en 1901 avec Mary Robinson et meurt en 1904.

La lettre de 1873 colore le portrait du savant aurillacois d’une lumineuse touche de sensibilité, de candeur et de chaleur humaine, ce qui lui a valu d’ailleurs d’être choisie pour figurer dans un splendide ouvrage récemment publié par Jean-Pierre Guéno chez Plon en 2010, La vie en toutes lettres. Ces paroles qui marquent notre existence, dans la rubrique « Mariage » (Plon, 2010).

ADC, 481 F 1