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Origines : un peu d'histoire par A.Rouquet (amicaliste)

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Qui est André Rouquet
Lorsqu’en 1889 le projet de construction du Lycée à Aurillac vit enfin le jour, la France vivait une série de troubles et blessures : perte de l’Alsace Lorraine, vote des lois fondamentales et des libertés publiques, démission des ministres, affaire Boulanger, construction du canal de Panama, attentats anarchistes, agitation nationaliste et antisémite…

De ces batailles émergeait la volonté républicaine résolument anticléricale qui devait se conclure dans sa phase aigüe, en 1905, par la séparation de l’Eglise et de l’Etat.

Nous étions en pleine 3ème République qui voulait épouser le combat de l’émancipation de l’homme pour devenir le maître de son destin, dominer la nature, se libérer de toutes les servitudes, de tous les tabous et de toutes les peurs.

Cette philosophie présuppose d’autres projets à savoir entre autres, un projet d’instruction (l’instruction publique) et un projet éducatif, ceci pour l’école.

Si les progrès de la science autorisaient déjà la construction du projet d’instruction, il n’en était pas de même pour un projet éducatif. Pourtant la tâche fondamentale de l’école n’est pas exclusivement d’accumuler des connaissances dans les jeunes esprits. Elle a pour mission d’apprendre aux hommes à faire fonctionner leur jugement, à les mettre en garde contre tout embrigadement, à s’intégrer dans le monde qui nous entoure, sans perdre leur personnalité ; c’est là tout l’objet d’un projet éducatif.

Or, la 3ème République, celle qu’on appelait alors la République des trois Jules (Jules Favre, Jules Ferry, Jules Grévy) ne possédait qu’un élément, de taille certes, c’était la Laïcité.

L’école, le lycée seraient laïques c'est-à-dire indépendants de toute empreinte religieuse, et l’Etat « resterait neutre entre la religion » (Renan). Donc pas de réel projet éducatif, le ministère chargé de l’école était « le Ministère chargé de l’Instruction », cela est révélateur.

Encore meurtrie par la déroute de 1870, la 3ème République qui voulait se doter d’une armée forte pour la revanche contre l’Allemagne, voulait aussi retrouver son honneur dans le concert des nations. Dès lors découlait naturellement le projet de l’école de Napoléon qui avait su construire une armée redoutée en Europe. Mais ce serait celui de l’Ecole de la République.

Le second socle qui nourrissait ce projet était l’anticléricalisme qui remettait en questions les idées et les croyances les plus communément admises. Ainsi procède la science et aussi la pensée laïque qui doit entretenir la libre critique. Tout se tient. Ce projet, très pragmatique a le mérite d’être clair. Les jeunes, porteurs de l’avenir de la Démocratie et de l’avenir de la République auront : un corps sain et fort, endurci par l’effort et l’obéissance, une tête capable d’analyse et de discipline, le tout se construirait en un même lieu, en une même enceinte : le lycée. Ce lieu privilégié sera clos et abritera toutes les fonctions nécessaires à ces deux prémisses.

Pour le corps, la nourriture (cuisine et réfectoire, goûter dans des caisses individuelles), la vêture (lingerie), le sommeil (les dortoirs). Ce sera l’affaire de l’Intendant, responsable de la logistique.

L’hygiène, le dérouillage matinal (lavabos et douches), l’éducation physique et militaire (le lycée dispose encore aujourd’hui d’une salle d’armes, la pratique des arts martiaux devait être obligatoire), la sécurité (services de garde nocturne), la discipline et le respect de l’ordre seront l’affaire du Surveillant Général et de son service.

Pour le savoir, bien sûr, l’enseignement est dispensé dans des salles de classe disposées autour de trois cours et desservies par des galeries couvertes, s’il vous plait !

Et puis la formation des officiers impliquait la connaissance de la Grèce (Sparte, Athènes et aussi le Grec bien sûr), de Rome (l’organisation de l’armée et l’administration des provinces et le Latin aussi), des lumières de la philosophie, de la sagesse des Lettres puis des Sciences pour l’art de la guerre.

Les efforts nécessaires pour atteindre ces objectifs devaient être soutenus par des palmarès cérémonieux à la fin de chaque trimestre et surtout au terme de chaque année scolaire ; tout cela dans le parfait respect des règles de la discipline militaire, y compris l’uniforme du lycéen ! Tout cela était l’affaire du censeur des études.

Toujours pour l’esprit, le lycée proposait la culture religieuse aux familles qui la sollicitaient.

Des cours d’enseignement et des cérémonies religieuses étaient prévus aux emplois du temps (messe dominicale, communions, confirmations, etc.…) et Monseigneur l’Evêque se faisait un devoir d’y participer au moins une fois l’an. Tout cela bien sûr en respectant scrupuleusement les principes affirmés de laïcité.

La chapelle prévue dès la définition du programme de construction fut l’objet de plusieurs projets d’implantation dans le parc du lycée d’abord, puis en face, à la place de l’actuelle Annexe, pour finalement être installée dans une aile de la cour centrale, on peut la deviner à ses fenêtres plus hautes et à son plafond en forme de voûte. Cela était de la responsabilité de l’Aumônier jusque vers les années 1960.

Le lycée proposait également le maintien des liens familiaux par le courrier bien sûr, même censuré. Il autorisait aussi les entretiens avec les familles au parloir (horaires à respecter !)

Enfin, à ce chapitre n’omettons pas de rappeler les « permissions » appelées sorties mensuelles lorsque le lycéen n’était pas consigné ; sorties qui faisaient l’objet de procédures très élaborées …. (La responsabilité !).

On l’a compris, le régime était donc l’internat !, et on peut dire qu’il l’était au sens propre du terme, totalitaire, puisqu’il assurait toutes les fonctions et les modalités nécessaires à l’accomplissement de son objectif. Le fonctionnaire chargé de toutes ces fonctions était et reste encore le Proviseur (celui qui pourvoit à). Tout se tient !

La traduction architecturale du lycée découlait tout naturellement de ce projet d’instruction.

L’architecture présentait, et elle l’est restée encore de nos jours, une bâtisse imposante et sévère avec en façade des pieds de murs largement assis dans un sol ingrat car marneux et glissant, qui avait nécessité de lourds travaux de drainage et de consolidation.

Son apparence de forteresse imposante et solide était renforcée par sa position perchée au flanc de la colline non construite à l’époque. Elle lui donnait une assurance confiante face à l’enseignement clérical plus modeste dans sa présentation. Cette importance d’ailleurs soulignée et valorisée par la présence de l’autre côté de la rue de l’Annexe du même type architectural mais moins imposante et moins bien traitée dans les matériaux utilisés. A l’intérieur, trois cours, semblables, desservaient de plain pied ces salles de classe dont l’entrée était protégée par de larges galeries couvertes qui servaient également de déambulatoire pour les élèves qui ne participaient pas aux jeux dans les cours de récréation.

La surveillance des entrées et des sorties des classes en était grandement facilitée.

A souligner également que l’absence de couloirs évitait les « cachettes », les cavalcades, les difficultés d’évacuation en cas d’urgence.

Bref !, conçu à la fin du XIXème siècle pour servir un projet du XVIIIème siècle, ce lycée était parfaitement fonctionnel. Certains esprits nostalgiques auraient peut être soutenu qu’il était resté plus fonctionnel que nos lycées construits dans la deuxième moitié du XXème siècle !...

 

 A. Rouquet