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Pendant la guerre de 1914-1918 le Lycée Emile Duclaux est utilisé comme hôpital.

 Un article de Germain Pouget, extrait de l’ouvrage édité par l’association pour le centenaire du Lycée Emile Duclaux.

L’hôpital temporaire N° 22

Au mois d’août 1914 arrivent à la gare d’Aurillac les premiers convois de blessés, Français et Allemands, qui seront soignés dans les hôpitaux « temporaires », et celui du Lycée Emile Duclaux les reçoit dès le 25 août : « Vous avez tous cette arrivée présente à la mémoire, vous voyez encore ces uniformes boueux, déchiquetés par la mitraille, ces figures hâves, ces yeux brillants de fièvre ; toute la population aurillacoise les attend : l’émotion est intense, des yeux sont rouges, des sanglots sont étouffés ; cependant la foule les acclame et les couvre de fleurs.

Les grands élèves du Lycée accourent, ce sont des brancardiers improvisés qui secondent les infirmiers ; d’autres guident  dans la maison ceux dont les blessures sont moins graves ; en un instant, classes, études, dortoirs, tout est occupé. Les dames des fonctionnaires du Lycée, l’institutrice, une mère d’élèves sont là, et pendant l’examen rapide fait par les savants praticiens, leur ingéniosité s’exerce à entourer ces malheureux qui souffrent de sollicitude, de bonté de tendresse ». (1)

A la entrée les cours rependront au « Petit Lycée », l’horaire étant adapté au petit nombre des locaux. « M. le Censeur, M. l’aumônier, un ancien professeur mobilisé à Aurillac, deux dames, les répétiteurs prêtent leur concours pour l’enseignement.  Vos classes  n’ont pas été interrompues par la visite meurtrière des « Tauben » et des « Albatros » . Jamais, comme à Reims, les fenêtres et les portes de vos salle de classes ne furent pulvérisées par les éclats de quelques obus monstrueux. Vous n’avez pas entendu le fracas de la mitraille qui passe et tue ». (1)

Le Dr Granier sera d’abord le médecin major de l’hôpital n° 22, puis le Dr Bertolus, assisté par des infirmières de la Croix-Rouge. On compte environ 200 lits. Les corps des blessés décédés sont enlevés rapidement, et un office funèbre est célébré de bonne heure à Notre-Dame-aux-Neiges. Les prisonniers danois du Schleswig (annexé par la Prusse) sont soignés aussi à cet hôpital. De nombreuses souscriptions, quêtes et loteries sont organisées au profit des blessés, dans tout le département, et aussi des concerts et des représentations artistiques. Par exemple en juillet 1916, un groupe de convalescents présente une revue : « Allo, les Boches » au « casino des Poiilus » et recueille 547 francs au profit des camarades. Le décime hebdomadaire (2) versé par les élèves du Lycée procure plus de 300 francs pour l’œuvre du « sou du Lycée ». Les fillettes de l’école annexe viennent leur apporter les friandises de leur goûter, en décembre 1915, et les élèves de Saint-Mamet leur offrent 9 douzaines d’œufs du jour, en juillet 1916.

L’affaire KUNTZ-CANIS.

Bien involontairement, un des blessés, le sergent Canis, sera le prétexte d’une révolte populaire à Aurillac. Le 17 mai 1917, il se promenait au square, appuyé sur deux cannes, quand le commandant de gendarmerie Kuntz l’apostropha, car il ne l’avait pas salué ! Les témoins de l’incident manifestèrent leur réprobation. Des affichettes manuscrites furent placardées, annonçant une manifestation. Et le 19 au soir, ce fut l’attaque de la gendarmerie par une foule furieuse, malgré les grilles du Palis de Justice : vitres en éclats, portes enfoncées, et domicile du commandant au rez-de-chaussée, pillé. A 11 heures 30 seulement l’armée dégagea le bâtiment, baïonnettes au canon (3). Le lendemain, deux épiceries en gros, un marchand de fromage et un marchand de porcs, accusés de trafic illicite, furent attaqués par la foule ou se trouvaient de nombreuses femmes et de jeunes gens : c’était une protestation contre la vie chère et les approvisionnements en sucre et en charbon (4). Il y eut 40 arrestations. L’usine Bar (jambes artificielles, pilons articulés, béquilles…) avait demandé la protection des autorités. Pour calmer les esprits, le nouveau préfet, Emile Riom, considérant que le commandant Kuntz (ou Kurtz) était un malade, et que trop de haine s’était accumulée contre lui, obtint son départ, de nuit et en auto. La punition du sergent Canis, huit jours de prison, et la consigne des blessés durant la journée, seront levées. 24 inculpés seront acquittés, et les 16 autres condamnés.

G. Pouget

 

(1) Extrait du discours de distribution des prix, 13 juillet 1915, par M. Japin, proviseur.

(2) Deus sous ou 10 centimes

(3)La police municipale ne put calmer les manifestants, mais la gendarmerie n(intervint pas. Elle n’était guère aimée car elle n’allait pas au front.

(4) Pas de relation, semble-il, avec les révoltes sur le Front à la même époque.