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Concours d'écriture 2015 (2)
Textes d'élèves ayant remporté les concours d'écriture 2015
- A vos plumes : Plastique de Lise Chilotti,
- Graines de poètes : Sablier de Coline Rimbault et La chute de Coline Gölz (ex-aequo).
- Nouvelle ayant reçu le prix de l'Amicale cette en 2015 : Ivre de vent de Carment Bousquet.
Lauréats Graine de poète et A vos plumes
Nouvelle ayant reçu le prix de l'Amicale en 2015 :
Ivre de vent de Carment Bousquet.
Ivre de vent
Lorsque Dieu voulut le créer, il dit au Vent du Sud :
« Je veux faire une créature comme toi. Prends corps. »
Ainsi naquit le mythe du Buveur de vent.
Je trépigne. Nerveux.
Mon cœur tambourine déjà…
Cela fait si longtemps que j’attends ce moment. Des mois, des années ; des siècles. Et à présent, je me retrouve ici, sur cette piste chaude, emballé par le brouhaha de la foule et suant sous le ciel lourd qui pèse sur nous de tous ses nuages. Jamais je n’aurais imaginé m’y tenir à nouveau…
L’air crépite d’électricité, alors que tous les coureurs sont encore immobiles. L’échauffement est terminé. Les échos de voix résonnent et s’entrecroisent dans le stade. Dans les tribunes, les regards s’affrontent et les doigts pointent les favoris. Les speakers tentent de se faire entendre, sans succès. Au chaos des tribunes s’oppose la tension attentive qui règne ici-bas. Je retrouve mon vieux réflexe d’analyser mes adversaires ; mes yeux passent et repassent sur les corps fumants à ma gauche, à ma droite. Notant la rage de l’un, le calme de l’autre, soupesant l’aplomb de chacun d’eux. Comme autrefois.
Nul n’aurait pu me vaincre, avant. Mais aujourd’hui, le doute me ronge les entrailles, gâchant mon bonheur euphorique de me retrouver ici. Sur la piste. J’ai encore du mal à le croire. Je tâte le sol tendre du pied… ou plutôt avec la palme de plastique articulée qui le remplace.
Les chirurgiens n’ont pas manqué leur affaire. En quelques mois d’opérations, repos, opérations, repos et opérations à nouveau, je suis finalement passé de l’état de loque inhumaine à celui de créature bionique. Défiant les lois de la nature. Je me crispe encore lorsque j’ausculte l’architecture translucide de mes prothèses ; mais c’est grâce à elles que je me tiens ici, fier et droit, plein d’aplomb, moi qui ne vis que pour la course.
Ce n’est pas par bonté que l’on a dépensé des millions pour m’offrir une nouvelle vie. Je ne sais s’ils me croient dupe. Je sais que je suis la poule aux œufs d’or, une mécanique réparée pour l’occasion. Il me faut gagner cette course. Il me faut réussir, si je veux vivre.
Les médecins l’ont dit : mon corps peut lâcher à tout moment, dans l’effort d’une véritable course, quand le cœur pompe avec désespoir, que les poumons se gonflent à éclater et que les muscles tremblent. D’après les experts, si je tiens bon les premiers mètres, j’ai les trois quarts des chances de terminer la course. Pas de la gagner…
Au cours de ma convalescence, puis de ma rééducation, j’ai connu deux sortes de gens. Ceux qui pensent que je suis à présent un titan, un cyborg, que sais-je d’autre ; un presque dieu, né de la science, surhumain. Ceux-là hurlent mon numéro dans les tribunes, persuadés que les autres n’ont aucune chance. Les autres me voient comme un bibelot fragile, une poupée rafistolée avec laquelle on veut encore jouer, mais qu’on aurait mieux fait de laisser crever. Ce sont ceux qui rient quand on leur parle de moi. Ceux qui sont venus pour voir ma chute.
Ces milliers de gens, cette masse anonyme et inhumaine dont les yeux nous transpercent, nous soupèsent, nous évaluent, sont ici pour le spectacle ; pour me voir vaincre ou pour me voir hurler, trébucher et m’écraser dans un fracas de plastique et de métal, titan fauché par la course.
Je voudrais tant ne pas leur donner satisfaction. Je voudrais tant que ce corps se montre aussi réel, aussi nerveux, aussi puissant que l’autre. Que les trente kilos de titane et d’alliages plastiques ne soient pas si lourds et si artificiels. Le contraste est immense entre la douceur mouvante de mon buste, sensible à l’air, à l’écoute de mes moindres ordres, et l’amas de ferraille bionique qui a remplacé certains de mes muscles. J’ai déjà voulu m’en débarrasser. J’ai déjà voulu me tuer, plutôt que de finir misérable rampant. Plutôt que de finir immobile et non fauché en pleine course comme je l’ai toujours voulu, la poitrine battante, giflé par le vent et ivre de bravos.
Les speakers ont enfin repris le contrôle sur la foule. Je choisis soigneusement mes appuis. Comme autrefois. M’arc-boute, répartissant le poids du corps. Comme autrefois. Contracté au maximum, tendu tel un élastique prêt à cingler ce qui le retient. Le regard fixé au sol, comptant les secondes jusqu’à ce que mes battements de cœur s’y accordent parfaitement. Mon souffle rugit à mes tympans. Je ne regarde pas ceux qui me fixent avidement. Seules comptent les secondes qui s’égrènent dans le silence bruissant du stade…
Ne tombe pas. Ne tombe pas.
Et soudain, nous fonçons ! Première foulée, longue, puissante, vibrante d’une énergie désespérée. Des images et pensées clignotent devant mes yeux, éclatent comme des bulles de savon, me noient dans une déferlante d’émotions ; ne pas tomber, les jambes pèsent lourd, j’ai mal, ceux qui me fixent, le ciel menaçant roulant ses ombres, le sol tendre sous moi, ne pas tomber, ceux qui me fixent, ne pas tomber, j’ai mal, je sens comme le stade retient son souffle, suspendu à mon pas, à l’engrenage de technologie qui s’actionne sous moi, à ma souffrance avide, au tonnerre de mes foulées, à mon corps nerveux. Tout entier tendu vers une seule idée désormais. Non pas gagner, mais courir. Ne pas tomber. Ne pas mourir.
Vivre envers et contre tous…
Et tandis que je dépasse les premiers mètres, tirant mon corps lourd et malhabile, transformant le plomb en or sous l’impulsion de ma volonté, je me retrouve tel que j’étais il y a des années ; et devant mes yeux fous, les souvenirs se superposent à la réalité, et l’euphorie, la puissance d’alors me reviennent au cœur, me poussant en avant. Un éclair zèbre le ciel bas, nous giflant de lumière, mais il ne pleut pas, pas encore, la course est souveraine, il ne pleut pas pendant les courses, jamais. Et j’oublie que je suis dépassé, j’oublie le classement et les numéros qui dansent devant moi, j’oublie que je suis la poule aux œufs d’or et que je ne peux pas perdre. Et je me retrouve comme autrefois, demi-dieu chassant les étoiles filantes, la gorge écorchée par mon souffle, les sabots martelant la piste chaude, les naseaux buvant le vent, la crinière en panache tel un étendard ; changeant ma douleur en une énergie inégalable, tirant sur mes muscles, qu’ils soient naturels ou artificiels.
J’oublie l’homme rachitique perché sur mon dos, qui pense mener la danse mais qui est en mon pouvoir ; j’oublie que je ne suis ni un dieu ni un animal, j’oublie que je suis le premier cheval bionique de l’histoire.
Juste ivre de vent.
Carmen Bousquet
Prix de l’Amicale des Anciens 2015
La jeune femme entra dans le cabinet et referma sèchement la porte derrière elle, faisant s’affoler la petite cloche suspendue au-dessus. Elle avança d’un pas sûr, droit vers le comptoir derrière lequel un jeune homme la regardait. Elle avait de longues jambes rehaussées d’imposants talons aiguilles noirs et brillants à semelle rouge. Il examina ensuite son manteau de fourrure noire sur lequel une fine pellicule de pluie s’était déposée, et regarda enfin sa longue chevelure blonde qui encadrait à la perfection ses yeux en amande d’un bleu profond. Elle était si sophistiquée, avec son grand chapeau sombre. Elle était sublime, et même la pluie ne pouvait rien contre ça ! Ce n’est que lorsqu’elle commença à ôter ses parures que le jeune homme aperçut la petite fille qui l’accompagnait. D’ailleurs, petite était bien le terme, elle était si minuscule, si discrète, qu’on la voyait à peine. Pourtant, en la regardant de plus près, elle était loin d’être vilaine.
– Pourrais-je aller voir La Machine ou dois-je attendre quelqu’un d’un peu plus compétent que vous pour y aller ?!
La surprise du manque d’amabilité de la cliente sortit instantanément l’employé de sa rêverie :
– Euh... Oui, bien sûr. Pardon madame, veuillez me suivre.
– Gardez votre « madame » pour vous ! N’ai-je pas l’air d’une demoiselle ? Je suis une demoiselle ! Rien à voir avec ces bonnes femmes en robe de chambre qui n’ont plus rien à attendre de la vie.
– Très bien mademoiselle.
Le jeune homme ouvrit une porte fermée par plusieurs verrous et conduisit ses clientes à travers un dédale de couloirs qui menèrent finalement à La Machine. En effet, au milieu d’un dôme de pierre, éclairé par quelques lucarnes percées à même le mur, se trouvait un enchevêtrement de tuyaux, de vannes, d’écrans lumineux actionnés par un étrange mécanisme crachant de la fumée.
– Eh bien, nous y voici. Que désirez-vous ?
– Ma famille est dans le mannequinat de génération en génération. Notre nom représente la fine fleur du monde de la mode et je ne tiens pas à ce que cette enfant entache cette réputation.
– Et donc vous désirez… ?
– Eh bien, c’est évident voyons ! Changez-la moi !
– Vous voulez que je la mette dans La Machine ?! Mais elle est conçue pour modifier les objets, de la matière, mais certainement pas un être humain !
– Et alors ce n’est pas mon problème ! J’ai payé une fortune pour ce rendez-vous !
– Mais il y a des risques, ça pourrait la tuer !
– Voyons, n’exagérez pas, ça ne peut pas lui faire de mal. Maintenant, faites ce que je vous dis !
– Très bien mademoiselle.
Le jeune homme attrapa la main de la fillette et l’installa dans une caisse de métal au cœur du mécanisme. Au moment de refermer l’épais couvercle et d’enfermer l’enfant dans les ténèbres, les larmes silencieuses qu’il vit couler sur ses joues lui fendirent le cœur. Tant bien que mal, il se retourna en essayant de contenir ses émotions et attendit la demande de cette femme dont il ne parvenait plus à voir la beauté.
– Bon, alors, il faut tout refaire. Déjà, commençons par ces cheveux roux qu’elle traîne depuis sa naissance. Il faut qu’ils soient blonds, c’est indispensable.
– Ce sera tout ?
– Bien sûr que non ! Vous pensez bien que ça ne suffit pas ! Ensuite, je veux qu’elle ait les yeux bleus, un corps mince ; plus tard, des formes généreuses et un visage plus agréable à regarder que l’actuel, plus proportionné, vous voyez ?
– Eh bien c’est difficile. Il y a de nombreuses teintes, formes et proportions, auriez-vous un critère plus précis ?
– Je ne veux rien de plus que la perfection, réglez les compteurs au niveau optimal.
– Mais, madame…
– Mademoiselle !
– Oui, pardon mademoiselle, je ne pense vraiment pas que cela soit adapté pour une enfant.
– Mais si. Ça ira très bien. Et cessez de discuter, faites-le, c’est tout !
– Mais enfin, ce n’est pas naturel !
– Mais faites-le, bon sang !!!
Le hurlement que poussa cette femme glaça le jeune homme.Il attendit un moment, vissa son regard dans celui de ce monstre et dit d’une voix claire et détachée :
– Je ne le ferai pas.
La mégère hurla de plus belle et se rua sur le bouton de lancement en déversant toute sa rage sur le jeune homme dans un tonnerre d’insultes. Ce dernier tenta de l’en empêcher, mais il ne le put. Les rouages commencèrent à grincer et siffler, et le monstre mécanique se mit en mouvement.
Quelques instants plus tard, le caisson réapparut et l’employé comme la femme se jetèrent dessus. Le jeune homme ouvrit le coffre et se figea d’horreur.
– Eh bien, au moins comme ça, elle aura un succès ravageur, tout le monde voudra en avoir une, lâcha la femme satisfaite.
Le jeune homme resta interdit et ramassa le contenu du caisson : une poupée de plastique de la taille d’un avant-bras.
– C’est abominable, souffla-t-il, les larmes dégoulinant sur son visage.
– Au moins, maintenant, elle servira à quelque chose, répliqua la mère.
– Et comment comptez-vous appeler cette chose désormais ? s’offusqua le jeune homme.
– Eh bien, elle s’appelle Barbara Ivenca, mais vous avez raison, ce ne sera pas vendeur. Ne gardons que le début de son prénom et de son nom et rajoutons un « e » à la fin, ce sera plus mignon.
Le jeune homme ramassa le jouet, le tendit à la femme et dit avec la plus grande amertume :
– Tenez mademoiselle, votre Barbie.
Lise Chilotti
Grand Prix A vos plumes 2015
Ces grains de temps
Qui tombent un à un,
Décomptant vies,
Jeux et audaces.
Ces aiguilles
Qui valsent à
Jamais avec
Les heures.
Une ombre
Qui suit
L’astre
De feu
Sans
Fin.
Et
A
La
Vie
Il ne
Reste
Que les
Fugaces
Instants
De bonheur.
Minutes qui
Fuient aussi
Vives qu’elles
Sont heureuses.
Le temps emporte
Larmes et plaisirs
En un cercle infini.
Coline Rimbault
Prix Graines de poètes 2015 ex-aequo
Le commencement de tout est bien né de l’Amour
Sentiment dangereux depuis les premiers jours
Connu de chaque Dieu, connu de beaucoup d’Hommes
Qui grâce à nos ancêtres a fait ce que nous sommes.
Adam, premier de tous, vint à passer
Dans le jardin d’Eden, lieu de félicité
Malgré tout étant triste, seul, désespéré
Il créa sans tarder Eve à son côté.
Eve était belle, Eve était splendide
Elle avait en elle cette douceur candide
A laquelle nul homme ne peut résister
Pas même notre Adam, à son œuvre attaché.
Leur union fit naître Soleil, Lune
Fleurs et Montagnes, Fleuves et Dunes
Leurs corps unis dans le divin jardin
Fit naître Perfection, leur idéal destin.
Tout en eux n’était que volupté
Et leurs caresses ardentes faisaient même soupirer
Les astres, pâles lueurs au-dessus d’eux
Regards éparpillés dans la canopée bleue.
La Haine n’existait point, la douleur non plus
Ils offraient un spectacle merveilleux à la vue
Dieu les prit à s’aimer, et leur sort s’accomplit
A grands renforts de cris ils furent tout deux bannis.
Eve perdit son Adam, ainsi que la raison.
Adam devint fantôme errant sans conviction.
A jamais nos amants se trouvèrent séparés
Par des foudres divines leur âme fut condamnée.
Rendons leur un hommage, si infime soit-il,
Puisons quelque leçon de ce discours subtil
Au lieu de croire en Dieu, croyons donc en l’amour,
Ce dernier nous réserve de bien plus heureux jours.
Aimons-nous sans relâche, avec force passion
Comme des êtres de chair, sans signe de raison
Aimons-nous à jamais, à défaut de toujours !
Souvenez-vous mes amis, ayez foi en l’Amour.
Coline Gölz
Prix Graines de poètes 2015 ex-aequo